Les organisateurs souhaitent que l’édition 2017 de la Marche, encore communément appelée Gay Pride, passe par le Vieux Lyon, fief revendiqué de l’extrême droite radicale. La préfecture s’y oppose et met en avant des raisons de sécurité.
Le mot d’ordre de la 22e Marche des fiertés lyonnaise est « Ici et ailleurs, nos droits ne sont pas négociables ! ».
Mais à cette revendication, les organisateurs veulent accoler une second mot d’ordre qu’on pourrait résumer par « pas de territoire réservé à l’extrême droite ».
David Souvestre, président de la Lesbian and Gay Pride de Lyon, explique :
« Outre le fait que ces groupuscules d’extrême droite sont homophobes, il est important qu’il n’y ait pas de quartier interdit. Nous devons envoyer un message de solidarité aux autres organisateurs de Marche des fiertés en Pologne ou en Bulgarie où les manifestations sont obligées d’être statiques à cause de la menace de l’extrême droite. »
Ce second mot d’ordre n’a pas besoin de pancartes ou de slogans. Pour les militants lyonnais, il faut surtout que la marche revendicative passe par le quartier du Vieux Lyon que les groupuscules radicaux revendiquent comme leur fief.
C’était déjà la volonté des organisateurs en 2015 mais la préfecture du Rhône s’y était opposé. Le parcours avait dû être changé.
« La préfecture nous avait alors indiqué qu’il n’y aurait plus de défilé ou rassemblement revendicatif dans le Vieux Lyon. La parole n’a pas été tenue », affirme David Souvestre qui cite le rassemblement contre la GPA organisé par la Manif pour tous en juin de cette même année 2015.
Un avis négatif de la préfecture
Pour cause d’Euro de football, la Marche des fiertés 2016 avait été décalée au mois de juillet et délocalisée en partie rive gauche du Rhône.
Pour cette année 2017, les organisateurs sont revenus à la charge. Avec, cette fois-ci, la ferme idée de ne pas lâcher sur le parcours.
Dès le mois de décembre, la Lesbian and Gay Pride de Lyon a déposé le parcours en préfecture : départ place Bellecour, puis pont Bonaparte, quai Romain Rolland dans le Vieux Lyon, pont la Feuillée, et retour place Bellecour via la rue Paul Chenavard et place des Jacobins.
La réponse de la préfecture du Rhône est arrivée très tard, au début de ce mois de juin, quelques jours avant la marche.
La réunion s’est tenue en présence des services de sécurité, des pompiers et des représentants de la Ville de Lyon. Au cours de cette réunion, le préfet délégué à la sécurité a émis un avis négatif s’agissant du passage dans le Vieux Lyon.
Contactée par Rue89Lyon, la préfecture du Rhône a donné quelques précisions. Pour ces « experts de la sécurité », c’est surtout le risque terroriste qui inquiète. Les provocations et affrontements liés à l’extrême droite sont pris en compte mais dans une moindre mesure et, surtout, ce n’est pas la présence de ces groupuscules dans le quartier qui a été mise en avant auprès des organisateurs.
« Ce sont des menaces possibles mais cela peut se produire à n’importe quel endroit de Lyon », explique-t-on.
La préfecture avance deux arguments contre un passage par le Vieux Lyon :
- Les 15 000 personnes attendues par les organisateurs et les chars risquent de bloquer simultanément les principaux ponts pour accéder au Vieux Lyon. Ce qui est particulièrement problématique pour les services de secours.
- Avec la Saône d’un côté et les petites ruelles de l’autre, il n’y a pas de « zones d’expansion naturelle » pour favoriser l’évacuation rapide du quai Romain Rolland.
« Une décision politique »
Le président de la Lesbian and Gay Pride a pris acte de cette opposition à une partie du parcours mais persiste :
« Un commandant de police nous a dit en réunion qu’il n’y avait pas d’impossibilité et que s’il y avait la volonté politique, les forces de l’ordre et les pompiers s’adapteraient. »
David Souvestre rembobine le film :
« On a bien conscience des risques actuels et des complications pour le maintien de l’ordre de passer dans le Vieux Lyon, à cause de la présence des groupuscules. C’est pour cela qu’on s’y est pris six mois avant la date de la Marche. La préfecture ne nous a pas répondu, préférant jouer la montre et nous mettre au final la pression pour qu’on change de parcours. Cette fois-ci on ne cédera pas. »
Sur le fond, les organisateurs répondent en deux temps. Tout d’abord, ils ferraillent sur la topographie des lieux :
« Le risque terroriste est partout. Les rues de la Presqu’île sont étroites et ne permettent pas plus une « zone d’expansion », pour reprendre les termes de la préfecture. »
Ensuite, deux propositions sont avancées pour trouver une sorte de terrain d’entente :
- la mise en place de « sas de sécurité » dans le cortège.
- la limitation du nombre de chars avec pour objectif de ne pas bloquer deux ponts en même temps.
« Ça fait douze ans que j’organise la Marche des fiertés, affirme David Souvestre. Si on doit s’adapter, on s’adapte ».
Et de conclure :
« Nous partons du principe que s’ils ont su sécuriser, sur exactement le même parcours, en février 2014, une manifestation festive avec des chars, à savoir la « Manif pour tous » qui a rassemblé 30 000 manifestants selon la Préfecture, ils doivent être également en mesure de le faire pour nous qui rassemblons entre 7 000 et 10 000 personnes, toujours selon la préfecture. La décision ne sera donc que politique ».
Après avoir refusé d’étudier un itinéraire « alternatif », les organisateurs risquent une interdiction partielle de la Marche. À moins que la préfecture du Rhône ne finisse par céder.
Réponse dans quelques jours.
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